7. L’ombre et la lumière (extraits)

Dessin de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1983.

Dessin de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1983.

7.1 La conception de la lumière

Une collaboration essentielle à l’univers de Perreault

En 1983, Michel Dozois conçoit, dans le peu de temps qui lui est imparti, des éclairages pour la production étudiante de Joe. L’année suivante, alors qu’il enseigne au programme de l’École supérieure de théâtre de l’Université du Québec à Montréal, Jean Gervais collabore, pour la troisième fois, avec Jean-Pierre Perreault et crée la lumière définitive de Joe. À cette occasion, Gervais et Perreault travaillent ensemble à formuler les bases qui s’avéreront essentielles non seulement aux éclairages de l’univers scénique de Joe, mais aussi à tout le corpus d’œuvres chorégraphiques des années suivantes. Cette collaboration artistique marquante s’est échelonnée sur plus de quinze ans.

Jean Gervais et Jean-Pierre Perreault, 1985. Photographe inconnu, avec la permission de J. Gervais. Extrait du programme de spectacle, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

Jean Gervais et Jean-Pierre Perreault, 1985. Photographe inconnu, avec la permission de J. Gervais.
Extrait du programme de spectacle, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

La lumière et l’ombre. Le bleu

Dans un texte publié en 1991, Gervais mentionne une consigne que Perreault lui avait imposée dès le début et qu’ils ont gardée tout au long du processus créatif : partir du noir, ne pas procéder par soustraction de la lumière ; il faut penser qu’il fait noir jusqu’à ce qu’un évident besoin de lumière se fasse sentir.

Le concepteur de lumière dit se rendre compte que, pour Perreault, l’éclairage, c’est non seulement la lumière, mais aussi l’ombre. Il ajoute que les personnages ne sont pas fictifs ni transparents, ils comportent toujours une zone d’ombre. Les clairs-obscurs sont de mise et alimentent le mystère autour des Joe. C’est pourquoi les personnages sont souvent éclairés par-derrière, en angle, de côté, mais rarement de face.

Par exemple, tout au début de Joe, le rideau s’ouvre et laisse entrevoir une lueur qui éclaire le groupe se tenant près de la rampe. C’est à peine si l’on discerne le mouvement de respiration du groupe. Puis, lorsqu’il se met en marche et se disperse, le regard est dirigé vers les bottes et le bruit qu’elles font en se posant au sol. Des lampes très basses éclairent les pas au ras du sol à partir du côté du plateau. Plus tard, lors de la Claquette, un corridor de lumière éclaire le quatuor au pied de la rampe, alors que les 28 autres Joe alignés devant sont dans la pénombre et sont vus en silhouette. Cette situation laisse entrevoir la danse du quatuor à travers une clôture noire de Joe.

Photos 1 à 3 : Le début de Joe, 2004. Partir du noir et ajouter peu à peu la lumière. Photos 1 à 3 : Le début de Joe, 2004. Partir du noir et ajouter peu à peu la lumière. Photos 1 à 3 : Le début de Joe, 2004. Partir du noir et ajouter peu à peu la lumière.

Photos 1 à 3 : Le début de Joe, 2004. Partir du noir et ajouter peu à peu la lumière.

La lumière et l’ombre, mais aussi la teinte de bleu profond, font partie intégrante de la portée dramatique de Joe. La profondeur du bleu est un élément majeur de la lumière. C’est la lumière mystérieuse des grands espaces à la tombée du jour, de la profondeur de l’univers, de l’océan. Ce bleu en particulier, Gervais et Perreault ont mis du temps à le trouver en 1984 en changeant les intensités de lumière et en variant les gélatines posées sur les lampes. Cette couleur a été emblématique de la dramaturgie des chorégraphies de Jean-Pierre à partir de Joe. Elle fut le point de départ de l’œuvre Nuit (1986) et a constamment été peaufinée dans les œuvres suivantes.

Diriger le regard du public

Gervais poursuit son propos ainsi : « Avec Joe est donc né entre nous ce principe, non formulé mais inscrit profondément en nous, que ce n’est pas parce qu’on montre tout que le spectateur va tout voir. Qu’il faut décider pour lui de ce qu’il y a à voir, comment il doit le voir et même, établir une hiérarchie en attirant plus son attention vers ceci que vers cela. Bien sûr, cela crée une ambiance sur scène qui n’est pas étrangère à l’univers des pas, à ce que les pas tentent de nous dire quand nous prenons le temps de lire entre les pas. […] C’est cet environnement-là que je tente de découvrir, comme si je pouvais entrer dans l’imagination de l’homme pour lui en restituer ensuite le contexte lumineux. » Jean Gervais, extrait de « Lire entre les pas », dans Jean-Pierre Perreault, chorégraphe, Aline Gélinas (dir.), Montréal, Les Herbes rouges, 1991.

 

 

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Les zones de lumière

© Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989. Fin de l’Adage sur harmonica, la courte phrase de l’Épouvantail commence.

© Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989.
Fin de l’Adage sur harmonica, la courte phrase de l’Épouvantail commence.

 

Quelques zones lumineuses spéciales cernent certaines séquences dans le détail. Par exemple, tout au début de la pièce, la lumière éclaire le dessus du groupe qui vacille sur place ; durant l’Adage sur harmonica, le groupe est également éclairé du dessus, tout comme le Joe à l’harmonica sur la rampe. Lors du Trio en ligne, un mince corridor délimite la ligne des Joe qui battent la mesure au centre du plateau depuis le devant jusqu’à la rampe. Un 2e corridor, perpendiculaire au 1er, éclaire le trajet du trio qui se déplace de cour à jardin.

Puisque la lumière cerne l’action à privilégier du regard dans plusieurs circonstances, il faut prendre soin lors de l’espacement en salle de spectacle de vérifier ces exigences.

Vue depuis la coulisse, certaines lampes au ras du sol éclairent les Joe lors de la Partie au sol et des Marches du début. Vue depuis la coulisse, certaines lampes au ras du sol éclairent les Joe lors de la Partie au sol et des Marches du début. © Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989. Le Trio en ligne.

Photos 1 et 2 : Joe, 2004. Vue depuis la coulisse, certaines lampes au ras du sol éclairent les Joe lors de la Partie au sol et des Marches du début.
Photo 3 : © Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989. Le Trio en ligne.

 

 

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Boîte chorégraphique Joe

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