5. Le costume (extraits)

Esquisse de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

Esquisse de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

 

5.1 Le costume, ou l’identité de Joe

Le costume, une part importante de l’identité de Joe

Qu’il s’agisse des bottes, du chapeau ou du manteau, le costume est le premier élément de l’œuvre qui se grave en mémoire ou qui est décrit lorsqu’il est question de Joe. Ce costume, composé de vêtements et de chaussures associés au genre masculin et multiplié par trente‑deux exemplaires, uniformise ce grand ensemble en un seul personnage. Au premier regard, les Joe semblent identiques, mais dans les faits, ils sont subtilement différents, d’abord en raison du gabarit et de la corporéité de chaque interprète, mais aussi du fait de la composition même de chaque costume. Tous les Joe portent un agencement de vêtements de diverses teintes foncées, à l’exception du Joe Solo du Peloton, qui est entièrement vêtu de noir.

Le costume est composé de plusieurs éléments qui contribuent non seulement à l’identité du personnage, mais aussi à l’expérience globale du mouvement dans l’espace scénique. Le port des bottes et le mouvement du manteau s’intègrent à la danse et contribuent autant à la volatilité qu’à la lourdeur qu’exprime l’œuvre Ce costume camoufle le corps de l’interprète et ne laisse entrevoir que ses mains, sa nuque et le bas de son visage. Mais avant tout, les bottes sont l’instrument primordial de la trame sonore et de la dramaturgie de l’œuvre.

Porter le costume de Joe

Les interprètes nuancent l’identité de Joe par leur manière d’habiter ce costume et de se manifester dans l’action chorégraphique. Le port de ce costume altère la réalité de leur physicalité et s’inscrit profondément dans leur mémoire corporelle, car ils le portent lors de toutes les séances de travail. Ce costume devient une extension de leur propre corps, et cet affect fait partie intégrante de la vie d’un Joe. Une fois vêtus, ils plongent instantanément dans l’univers de Joe. Une fois le costume retiré, la légèreté ressentie est notable, bien que dans leur corps en subsistent les traces.

« En fait, Jean-Pierre n’a jamais dit pourquoi on était vêtus comme cela, c’était à nous de comprendre. Quand j’ai vu le travail de certains photographes américains, j’ai compris qu’il avait été influencé par cela. Il aimait l’architecture des corps dans l’espace et aussi diriger le regard du spectateur. C’était même là, dans ses dessins, ces personnages engoncés dans des pelures… La plus grande difficulté était de porter les bottines… lourdes… fatigue des jambes… courir sur la rampe… chutes… sentir le poids… et ensuite lever les jambes ! » Extrait d’un entretien avec Louise Bédard à propos de Joe, Ginelle Chagnon, 2010.

Verso d’une affichette de spectacle, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

Verso d’une affichette de spectacle, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

 

Il est essentiel pour les répétitions de porter le costume dès le premier jour d’apprentissage de la chorégraphie. Le poids des vêtements et des bottes, le mouvement du manteau, la difficulté à reconnaître les partenaires, la chaleur qui s’accumule à l’intérieur du costume, tous ces éléments entravent le bien-être du danseur. Ce sont des apprentissages à faire, des embûches importantes à surmonter et une endurance à construire dès le début des répétitions. Ces vêtements font partie intégrante du mouvement, mais aussi du son qui est émis par les Joe. Le son est l’indicateur principal d’harmonisation de cette chorégraphie d’ensemble. Les interprètes s’entendent à tout moment, alors que la visibilité qu’ils ont des autres Joe est limitée. Les bottes sont un indice majeur pour s’accorder en tout temps. Le port de ce costume s’impose peu à peu comme un outil de travail essentiel, il fait partie du mouvement à gérer, du lien au groupe, de la danse elle-même.

« Pour les danseurs, c’est important de travailler Joe en costume. Il est contraignant… et il faut s’habituer à travailler avec ces contraintes… Avec le manteau long, tu as une répercussion du mouvement qui tourne autour de toi, apprendre à travailler avec cette trace, ce frein… Voici une anecdote : j’ai porté le même costume en 1984 et en 1989. Il y avait des pesées au gymnase de la Palestre nationale où se tenaient les répétitions. Bien sûr, je me suis pesée et je me suis rendu compte qu’à lui seul, mon costume pesait 16 livres ! La bottine vient concrétiser la demande du chorégraphe et devient aspiration à l’instrument musical, car il faut apprendre les différents types de frottements, de claquements, de frappés avec la pointe ou le talon. » Extrait d’un entretien avec Sylviane Martineau à propos de Joe, Ginelle Chagnon, 2010.

Les trois éléments de costume absolument essentiels au travail de répétition sont les bottes, le chapeau et le manteau. Le port des bottes est essentiel pour le travail sonore, en raison du poids qu’elles ajoutent aux extrémités des jambes ainsi que pour la stabilité des pieds sur le sol et sur la rampe. Le port du chapeau est important, car il réduit la visibilité et retient la chaleur du corps. Les interprètes doivent s’accoutumer à cette haute température corporelle et à la perte de fluides occasionnée par la sueur abondante. Le positionnement du chapeau est aussi à apprendre avec précision, car il peut indiquer la direction du regard des Joe, camoufler entièrement le visage. Ou encore, il arrive que notre attention soit dirigée sur le mouvement du chapeau lui-même (l’Adage sur harmonica). En ce qui concerne le manteau, il est essentiel au travail du danseur, car il fait partie du mouvement chorégraphique. Il est une source d’identification des Joe. Les poches et le collet du manteau sont parfois utilisés, le poids du tissu change le mouvement du corps et la chaleur s’accumule en dessous. Ce sont des données importantes avec lesquelles il faut composer. Cependant, pendant le travail sur certains détails ou durant les séances d’apprentissage en petits groupes, le chapeau et le veston peuvent être retirés ou des éléments de remplacement peuvent être utilisés.

Détail d’une esquisse de Jean-Pierre Perreault, 1984. Extrait de programme de spectacle, 1984, © Robert Etcheverry. Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ). Dès 1983, la botte d’armée devient un emblème du travail chorégraphique de Perreault. Détail d’une esquisse de Jean-Pierre Perreault, 1984. Extrait de programme de spectacle, 1984, © Robert Etcheverry. Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ). Dès 1983, la botte d’armée devient un emblème du travail chorégraphique de Perreault.

Détail d’une esquisse de Jean-Pierre Perreault, 1984.
Extrait de programme de spectacle, 1984, © Robert Etcheverry.
Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ).
Dès 1983, la botte d’armée devient un emblème du travail chorégraphique de Perreault.

 

 

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La personne responsable des costumes

Il est important qu’une personne compétente et sensible aux exigences esthétiques de Perreault soit attitrée à la recherche, à l’altération et à l’entretien des costumes, et ce, avant et pendant le processus de répétition. Cette même personne spécialisée accompagne l’équipe de tournée lors des représentations et se fait assister par un préposé aux costumes attitré au théâtre produisant le spectacle (voir la Fiche technique).

Puisqu’il y a 32 danseurs à vêtir, la charge de travail de préparation et d’entretien des costumes est imposante. À l’issue de toutes les séances de travail, il faut sécher, laver et ranger les costumes. À cause de l’usure et des bris sur un lot de 32 costumes, il est important que des vêtements, des lacets, de fausses semelles et quelques bottes de rechange soient prévus. Enfin, les interprètes portent leurs propres sous-vêtements, ce qui assure leur confort. Certains Joe choisissent de porter un t-shirt blanc sous la chemise, pour absorber une bonne part de sueur ; cette décision leur appartient. Les soutiens-gorge doivent offrir un bon soutien et être préférablement de couleur chair afin d’être bien camouflés.

Saluts à la fin d’une représentation. Joe, 2004.

Saluts à la fin d’une représentation. Joe, 2004.

 

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Boîte chorégraphique Joe

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