3. Les répétitions et la distribution des rôles

Dessin de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1983.

Dessin de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1983.

3.1 Les répétitions

Avant le début des répétitions

La scénographie doit être montée dans le studio de répétition avant l’arrivée des interprètes. L’espace scénique est de 13,4 mètres (44 pieds) minimum (ce qui correspond au plateau de la salle du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à Montréal) et doit pouvoir accueillir la structure de la rampe tout en laissant une grande surface au sol pour un groupe de 32 interprètes en mouvement. Un plancher de bois est requis, il n’a pas pour autant besoin d’être recouvert d’un tapis de danse. Voir la partie 6 (Le lieu, la scénographie) pour plus de détails sur la plantation de la scénographie. La sonorisation n’est pas nécessaire lors des répétitions.

Il est essentiel de toujours répéter en costume, et ce, dès le premier jour, car le costume fait partie des données sensorielles avec lesquelles travaille l’interprète et est nécessaire à bâtir l’endurance indispensable pour danser cette œuvre exigeante. Il est ainsi recommandé d’engager une personne responsable des costumes avant le début des répétitions afin d’organiser la panoplie de costumes. Des essayages sont à prévoir lors des semaines qui précèdent les répétitions afin que les interprètes soient chaussés correctement dès le premier jour en studio. Durant la première semaine de répétition, le costume de chaque Joe sera validé et ajusté selon les besoins. La personne responsable des costumes devra aussi être disponible pendant toute la période des répétitions afin de poursuivre les ajustements adéquats, de réparer les déchirures, de sécher et d’aérer les vestes et les manteaux, mais aussi pour laver les chemises et chaussettes tous les jours et enlever les cernes de sel de transpiration qui se fixent sur les bords des chapeaux.

Joe est une œuvre est difficile pour le corps, car il y a beaucoup de mouvements à répétition, des actions de bottes qui frappent le sol, des chutes drastiques, des séquences abruptes. Pour la production de 2004, nous avons parfois travaillé avec des souliers de course afin de nous libérer de la lassitude accumulée dans les jambes et le dos. Ces pratiques sans bottes avaient surtout lieu en fin de journée ou vers la fin de la semaine, ce qui aide à réduire le risque de blessure d’usure tôt dans le processus. Nous avons également parfois travaillé avec de petits chapeaux de coton couleur marine afin de préserver les chapeaux de spectacle. Les chapeaux Fedora, en feutre ou en laine, sont en effet très chauds, difficiles à trouver dans le commerce, en plus d’être onéreux.

Dessins et notes de répétition, 1991, © Annie Dréau.Extrait de la liste des séquences, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ).

Visuels 1 et 2 : Dessins et notes de répétition, 1991, © Annie Dréau.
Visuel 3 : Extrait de la liste des séquences, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ).

Il est fortement conseillé aux danseurs de travailler leur endurance cardio-vasculaire et d’être en excellente forme physique avant d’entreprendre les répétitions de Joe. Consulter le site internet de l’exposition virtuelle (jeanpierreperreault.com) à propos des œuvres du chorégraphe leur sera certainement utile. De plus, il est pertinent de leur fournir certains documents qui les prépareront à entrer dans le travail chorégraphique de Perreault. Il s’agit aussi de prévoir une quarantaine de copies papier comportant les titres des séquences de la pièce et de grandes marges, afin que les Joe prennent leurs propres notes. Ceci améliore l’apprentissage et la prise de notes selon le langage de chacun. Ces feuilles facilitent également le travail de tous les collaborateurs qui ont besoin de connaître le découpage de l’œuvre et la terminologie utilisée lors des sessions de travail.

Au cours d’une semaine de 5 jours précédant les répétitions des 32 danseurs, il est utile que 2 danseurs, familiers avec le style de mouvement Perreault, apprennent avec le répétiteur toutes les séquences chorégraphiques d’ensemble qui composent l’œuvre. Cette période de travail dans la scénographie est essentielle, car elle permet au répétiteur de se familiariser avec la chorégraphie, elle facilite par la suite l’apprentissage des 30 autres Joe et aide à construire le bon tempo, dès le début des répétitions.

Prévoir environ 4 semaines et demie à 5 semaines de répétitions de 5 jours, à raison de 5 heures par jour, avec tout le groupe, afin de parvenir à un apprentissage complet et de bâtir l’endurance indispensable pour danser la pièce. Il est recommandé de commencer par des apprentissages de base (voir ci-dessous) et certaines séquences de groupe. Aussi, les variations en petits groupes, solos et duos, peuvent être apprises par le biais de la vidéo dans la dernière partie de la journée, ce qui favorise la concentration.

Les apprentissages de base au début des répétitions

La première tâche des interprètes est de se vêtir du costume de Joe. C’est un outil de travail physique, mais aussi un instrument sonore auquel il faut s’adapter. Au cours des premiers jours de répétitions, on peut facilement porter l’ensemble des vêtements jusqu’à la pause de la mi-session de travail puis enlever le veston pour réduire la charge et éviter les coups de chaleur. Les interprètes se font progressivement au port du costume entier et le portent pour toute la durée des répétitions. C’est une habitude à développer. Lors de l’apprentissage de différentes variations en sous-groupes, le chapeau et le veston peuvent être retirés alors que le manteau reste toujours pertinent, car son poids et son mouvement sont ressentis et les poches sont parfois utilisées.

Il est primordial que, dès le premier jour, les Joe montent et descendent la rampe ; de toute manière, c’est ce qui intrigue les interprètes dès leur arrivée en studio. Elle amène à un autre rapport au corps, à la gravité et au poids, qui sont à travailler. Pour les Joe qui sont un peu craintifs ou faibles des chevilles, cet apprentissage doit commencer tôt, et ce, en prenant des mesures de sécurité. Il est préférable d’avoir peu de Joe à la fois sur la rampe afin d’avoir l’espace nécessaire pour pratiquer les exercices de familiarisation.

 

Le Caucus du début : la Winnipeg Contemporary Dancers School en répétition avec Ginelle Chagnon, 2012, © Sophie Breton.

Le Caucus du début : la Winnipeg Contemporary Dancers School en répétition avec Ginelle Chagnon, 2012, © Sophie Breton.

1. Dès le premier jour des répétitions, il faut faire sur la rampe :

  • Des courses montées comme pour la séquence de la Vague, ainsi que des descentes en avançant et en reculant.
  • Des courses qui parcourent toute la rampe, comme les Courses et les Arrêts (vers la fin de la pièce) : courir en deux groupes et faire un grand cercle en sens horaire sur le plateau tout en montant sur la rampe. C’est l’occasion de s’habituer à courir avec des bottes lourdes et à monter et descendre la rampe en courant en petit groupe.
  • Des courses et des chutes sur le côté droit en haut de la rampe, comme pendant les Bombes.
  • Tapoter le pied de la rampe avec le talon et le bout de la semelle, comme lors des Rythmes sur la pente.

2. À apprendre dès la 1re semaine, afin de bien maîtriser les séquences exigeantes en grand groupe :

Avant d’entreprendre l’apprentissage d’une séquence de groupe, il est préférable d’expliquer la construction générale de la séquence, de faire quelques essais des actions principales afin de comprendre les transferts de poids, le son, le volume. Par la suite, on peut amorcer l’apprentissage dans l’ordre de la séquence avec les 2 Joe repères en avant du groupe. Une fois les mouvements appris, on peut positionner chaque Joe à sa place afin de mieux organiser les déplacements, tout en faisant remarquer que lorsque toute la pièce sera montée et que les séquences s’enchaîneront, ces emplacements seront différents.

Apprendre dès les premiers jours : les Marches, le 9-12-12-9, la Cloche et les Évanouissements, les Marches militaires ; la Vague ; la Finale (tous ensemble) ; le LA.O en trois groupes : en premier lieu, les leaders apprennent leur séquence de mouvements puis l’enseignent à leur groupe, l’un placé à l’avant et l’autre à l’arrière de leur groupe.

3. Subdiviser les groupes pour apprendre les variations :

  • Le Trio en ligne (exigeant sur le plan cardio-vasculaire et demande beaucoup de précision).
  • La Claquette (précision rythmique et endurance des jambes à développer).
  • L’Adage en ligne, les 28 Joe qui ne font pas la Claquette.
  • Le Trio Volage (exigeant sur le plan cardio-vasculaire et endurance des jambes à développer).
  • Le Pas de six (rythmique de groupe à trouver et à travailler en accélération en 2e partie).
  • Le Solo Mains dans les poches (pour que le Joe se fasse au matériau chorégraphique).
  • Joe Solo du Peloton (pour que le Joe se fasse au matériau chorégraphique avec lequel improviser).
  • Le Duo sur harmonica (développer la complicité entre les deux Joe).
  • Le Quatuor Valse (synergie à développer).
  • Le Duo Bataille (complicité à développer).
  • Le Pas de cinq (précision rythmique et endurance des jambes à développer).
  • Les Rythmes sur la pente (pour 25 Joe) et le Duo sur la rampe en parallèle.

4. Monter toute la pièce depuis le début :

Dès le début de la 2e semaine, il est préférable de monter une première esquisse de la pièce complète, même si toutes les variations ne sont pas mémorisées, afin que les interprètes commencent à saisir le déroulement séquentiel de la pièce. Commencer par le tout début de l’œuvre, en survolant les séquences déjà apprises, et en prenant un peu de temps pour clarifier les emplacements et les transitions entre les séquences. Réserver les 90 dernières minutes de chaque journée de travail pour réviser et continuer d’apprendre en petit groupe les variations en chantier. Normalement, à la fin de la 2e semaine, les danseurs devraient avoir franchi le 1er stade d’apprentissage de la pièce et être en mesure de faire des moitiés d’enchaînements. Bien sûr, ces demi-filages de l’œuvre sont précaires mais nécessaires afin de bien évaluer l’ampleur du travail à accomplir.

Détail d’un dessin de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

Détail d’un dessin de Jean-Pierre Perreault, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1984.

5. Les enchaînements de la pièce

Dès le début de la 3e semaine, il est important de se préparer à faire un enchaînement de la première moitié de la pièce. Il s’agit ensuite de compléter certains apprentissages afin que le lendemain un enchaînement de la 2e partie puisse avoir lieu, de façon à peaufiner par la suite les séquences qui sont les plus faibles. Il ne faut pas oublier que la mémorisation et l’endurance sont deux facteurs qui nécessitent du temps. Parfois, il vaut mieux laisser travailler les danseurs afin qu’ils mémorisent les pas plus rapidement (par exemple, la séquence du LA.O). Et alors que la mémorisation des pas n’est plus un obstacle, il est plus facile de repérer les mouvements qui n’ont pas été assimilés et qu’il est impératif de travailler. Face aux 32 danseurs enveloppés de plusieurs couches de vêtements, il est facile de s’attarder sur ceux qui commettent des erreurs de mémoire au lieu de vérifier les notions de poids et de forme des corps, difficiles à voir sous les manteaux.

À la 2e partie de la 3e semaine, un enchaînement quotidien de la pièce doit s’amorcer. Il est ensuite temps de réviser toutes les séquences, de peaufiner les détails et de s’assurer que chaque séquence de la pièce est forte et bien contrôlée par le groupe.

Les 4e et 5e semaines servent à consolider l’endurance nécessaire pour danser la pièce. Il s’agit de veiller à la cohérence et à la maîtrise des ensembles, des partitions en duo ou en solo et du rythme global de la pièce.

Les exercices de vocalisation (présentés dans la section 3.2) sont utiles à la préparation aux enchaînements de la pièce lors de la dernière semaine de répétitions. Ce rituel de réchauffement collectif se poursuit lors des spectacles, ce qui a un effet rassembleur avant chaque représentation.

Programme de spectacle et photo de l’équipe des interprètes, © Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989. Programme de spectacle et photo de l’équipe des interprètes, © Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989.

Programme de spectacle et photo de l’équipe des interprètes,
© Robert Etcheverry, Fonds Jean-Pierre Perreault (BAnQ), 1989.

 

Boîte chorégraphique Joe

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