En complément des vidéos autour de Victoria de Dulcinée Langfelder, sa compagnie vous propose quatre courts textes sur des thèmes qui approfondissent notre compréhension de la pièce.
En complément des vidéos autour de Victoria de Dulcinée Langfelder, sa compagnie vous propose quatre courts textes sur des thèmes qui approfondissent notre compréhension de la pièce.
La danse nous touche à un niveau bien plus profond que la parole. Elle permet une imagerie métaphorique qui transpose la situation de Victoria. Mais comment danser un personnage qui a 90 ans? Pour Dulcinée Langfelder, qui est avant toute danseuse, le mouvement est toujours au premier plan. On pourrait dire que chaque petit geste du spectacle est judicieusement chorégraphié. Les mains, les yeux, les plus petits mouvements, rien n’est laissé au hasard.
Toutefois, il y a dans la pièce trois moments exclusivement dansés :
C’est une des premières scènes conçues dans Victoria. Pour Dulcinée, c’est ‘la viande’ de la pièce. Le tango est une danse qui a, à son cœur, la tension entre deux antagonistes ; entre résister et suivre, avec un fort désir de vaincre. C’est l’âme de Victoria qui danse avec son fauteuil – symbole de son affaiblissement – et elle danse avec la force de son caractère jusqu’à ce que le fauteuil gagne la bataille… inévitablement.
Victoria est assise dans son fauteuil la plupart du temps… et la gigue est une danse qu’on peut faire assise ! Bien difficile au début, mais une fois qu’on a appris aux pieds à taper sur une musique, ils le font automatiquement. Les muscles, tant qu’ils ont assez de force, ne perdent pas la mémoire !
Pour explorer la gigue et la claquette, Dulcinée mettait une musique de Fred Astaire pour son réchauffement, se laissant faire devant le miroir. L’idée est ensuite venue que Victoria pourrait adopter les chaussures de son préposé ; adopter (et non pas voler de façon délibérée) est quelque chose qui arrive chez les gens qui ont perdu la mémoire. Portant les si grandes chaussures, son allure donne naissance à une danse clownesque, évoquant la naïveté charmante d’une ‘deuxième enfance’ que l’on retrouve souvent dans la démence.
C’est seulement 10 ans plus tard que Dulcinée se rappelle de ses 18 ans alors qu’elle travaillait au Musée Métropolitain à NY sur une expo de costumes hollywoodiens ; contrevenant à toutes les règles, elle n’avait pu résister à essayer le chapeau haut-de-forme et les chaussures de Fred Astaire… se laissant faire devant le miroir.
Pendant les auditions pour trouver le Préposé, Dulcinée a utilisé la même musique de Fred Astaire pour improviser avec les candidats. Dans cette scène, Victoria est devenue comme une poupée, d’autant plus qu’elle a perdu la capacité de parler. Ainsi, il était convenu que Le Préposé la poserait sur ses pieds pour la faire danser. Réal Bossé, qui venait de devenir père, a pris cette idée avec fougue et a fait virevolter Dulcinée avec joie ! Il a eu le rôle ! La scène a ainsi permis d’illustrer un aspect de la relation soignant/soigné qui peut parfois être des plus joyeuses.
Créé en 1999 pour la scène, l’œuvre est transposée en film en 2022. Pendant 20 ans de tournée internationale, des milliers de témoignages de partout l’ont confirmé ; Victoria touche le spectateur droit au cœur et leur apporte une nouvelle capacité de tolérance.
Victoria, 90 ans, a perdu la mémoire. Elle a perdu sa chatte et le contrôle de sa vie. Dans son monde, le temps n’existe pas; les souvenirs sont aussi réels que le présent. L’ombre d’elle-même, Victoria est un personnage, une artiste de la scène qui, oubliant son rôle, s’adapte aux situations dramatiques, comiques ou poétiques selon les méandres de son imagination. Le préposé qui en prend soin devient pour elle, tour à tour, son ami, son adversaire, son père, son amoureux… tandis que son fauteuil roulant, devient sa berceuse, son partenaire de tango, sa prison, et même un charriot volant qui l’emporte, jusqu’au dernier souffle.