Article

La danse dans le web des données : Carnet de bord – 1

Auteur·trice
Lise Gagnon
Publié le
26 octobre 2018
Production
Fondation Jean-Pierre Perreault

Première rencontre avec Josée Plamondon, spécialiste des métadonnées, qui accompagne la Fondation Jean-Pierre Perreault et des partenaires de EC2 afin de favoriser la découvrabilité des œuvres et des artistes de la danse du Québec sur le Web.

 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, dire d’emblée que tout ce dont il a été et sera discuté et expérimenté durant ce projet sera diffusé sur EC2 : présentations de Josée, partage de réflexions et vidéos pédagogiques seront accessibles depuis EC2. Cela commence aujourd’hui avec un retour sur notre première rencontre : des réflexions et informations que Josée Plamondon nous présente autour des grands enjeux liés à la découvrabilité.

Nous sommes sept paires d’oreilles attentives autour de la table. Oui, nous voulons bien explorer ce nouveau territoire du web des données même si, pour l’instant, bien peu d’entre nous en saisit réellement les enjeux. Mais nous savons qu’il importe de mieux comprendre comment fonctionne la pensée numérique afin – comme le dit Josée – de demeurer pertinent dans notre monde numérique. Car la pensée numérique, c’est bien plus que d’utiliser les réseaux sociaux ou les sites web pour promouvoir des œuvres de danse qui auront été captées par vidéo.

Donc, on commence par quoi?

 

Les données structurées

L’une des premières choses à savoir : quand je cherche sur le web, ce n’est pas moi qui trouve les informations, ce sont des machines – des systèmes automatisés – qui le font à ma place. Ce sont des machines qui structurent ma recherche. Donc, si je veux que ces systèmes trouvent l’information que j’ai postée sur un site, je dois apprendre à structurer mon information pour qu’elle soit lisible, découvrable par ces machines. Je dois apprendre à décrire, classifier, nommer ces informations – car ce sont les moteurs de recherche qui filtrent, catégorisent et proposent l’information. Ce sont donc les données structurées qui permettent aux machines de classifier les informations, de les trier, de les trouver, de nous les faire découvrir.

Dans un monde numérique, explique Josée, la valeur ne réside pas dans la conservation, le stockage de données, mais dans leur accessibilité, leur réutilisation. Jusqu’à aujourd’hui, l’accent de notre travail a été mis à produire et à conserver des données, non à les rendre facilement découvrables. C’est là qu’on doit faire un pas de plus.

Dans le monde numérique, à chaque seconde, une information en chasse une autre. Il y a peu de pérennité. C’est pourquoi je dois apprendre à décrire mes données si je veux laisser des traces.  Je dois aussi et surtout apprendre à travailler collectivement, ce pourquoi on a rassemblé autour de la table de travail de la Fondation Jean-Pierre Perreault et les partenaires de EC2. Un projet collectif est plus « découvrable » qu’un projet individuel. Si plusieurs d’entre nous laissons des traces numériques bien visibles, lisibles et repérables – lieux, noms de chorégraphes et interprètes, auteur.e de la vidéo ou de la photographie –, nous augmentons les possibilités que les systèmes trouvent nos données et créent des liens entre elles. Dans le monde numérique, nous devons apprendre à travailler les uns avec les autres : tisser des liens entre nous est essentiel.

Il est aussi pertinent de savoir que pour un moteur de recherche, un post sur Facebook est invisible. Alors sachez que pour la pérennité, ce n’est pas là que ça se passe! Concevoir un site web n’est pas plus une panacée, parce que si l’on veut que les machines chercheuses nous trouvent, faut-il encore que nos données soient «encodées» i.e. qu’elles leur soient compréhensibles. Ainsi, les informations devront être accessibles sous forme de mots – et non d’images – sur un site.

Aujourd’hui, rappelle Josée, 25% des droits d’auteur dans le monde ne sont jamais versés aux artistes impliqué.e.s dans telle ou telle œuvre car nulle part n’apparaît leurs noms. On a une pochette de disque, il y a plus d’information sur ceux qui ont contribué à la production de l’album que dans les métadonnées d’un fichier audio numérique. Si les noms des artistes et des autres contributeurs ne sont pas encodés, impossible de les retrouver.

Quand les noms des artistes ne sont pas inscrits comme auteur.e.s des œuvres, il y a perte de traces. La mémoire collective mondiale a besoin de données descriptives pour y inscrire des noms et des œuvres.

Pour vous donner une idée de la nature et de l’importance des données structurées, je reprends textuellement ce qu’écrit Josée dans le texte de sa présentation:

 

«il s’agit en fait de balises qui sont intégrées dans le code HTML d’une page web pour décrire une chose (par exemple, une offre de spectacle) ou une personne (par exemple, un chorégraphe). On peut aussi parler de balisage sémantique.

Ces balises sont constituées de métadonnées et de données qui sont exprimées selon un mode descriptif adopté par les moteurs de recherche.

À quoi ça sert?

Ce mode descriptif, appelé Schema, permet aux moteurs de recherche de :

  • repérer l’information qui concerne des produits et services, dont des œuvres de création (CreativeWork) et des spectacles (Event)
  • de pouvoir interpréter la description de l’offre pour la classifier selon leurs modèles d’organisation
  • et de pouvoir lier les données qui décrivent le produit ou service (auteur, acteur, œuvre) à des données qui décrivent d’autres produits/services.

Les moteurs de recherche se servent de Wikipedia pour valider le sens de l’information qui est représentée sous forme de données structurées et pour faire des liens entre des produits/services. »

 

En ce sens, une page Wikipédia est incontournable quand il s’agit de favoriser la découvrabilité d’une œuvre ou d’un.e artiste – mais les données répertoriées sur la page doivent aussi être présentes sur le site de l’artiste. À savoir : une page wiki ne peut être créée par la compagnie ou l’artiste même, elle doit l’être par un tiers.

 

Données, métadonnées et données ouvertes : ne pas confondre

Par ailleurs, il ne faut pas confondre données et métadonnées i.e. qu’il ne faut pas confondre l’œuvre – les données, le contenu –  avec les métadonnées qui sont plutôt des données sur les données i.e. des données qui décrivent l’œuvre. Alors qu’on protégera l’œuvre – la donnée – , on voudra au contraire partager les métadonnées qui la décrivent et y sont associées pour en favoriser la découvrabilité.

Les données ouvertes sont généralement mises en disponibilités sur des sites, comme le portail des données ouvertes du gouvernement du Québec. Ainsi, dit Josée : « une métadonnée sert à préciser de quoi parle une donnée. Par exemple, pour la donnée Jean-Pierre Perreault, on pourrait avoir une des métadonnées suivantes: nom, créateur, chorégraphe ou tout autre descripteur pouvant mettre la donnée en contexte. Ensuite, les données et métadonnées sont indépendantes de ce qu’elles décrivent. Publier des données ne donne donc pas nécessairement accès aux oeuvres, mais favorise la diffusion de l’information en laissant aux créateurs le choix de fournir des liens d’accès selon les modalités souhaitées (extrait, bande-annonce, achat, visionnement gratuit, etc.). Alors qu’on protégera l’œuvre – la donnée – , on voudra au contraire partager les métadonnées qui la décrivent et y sont associées pour en favoriser la découvrabilité ».

Si les données structurées nous permettent d’être répertoriés et indexés par les moteurs de recherche, les données ouvertes ou données liées relèvent plus du ressort des très grandes organisations. Ainsi, Europeana, qui est la voie choisie par l’Europe pour valoriser son patrimoine culturel face aux outils déployés par Google, répertorie 58 112 930 données – œuvres d’art, artefacts, livres, films et musiques – issues de musées, galeries, bibliothèques et centres d’archives européens. Les données du site, ouvertes et liées, permettent des recherches croisées entre toutes les informations.

Pour en savoir plus sur les données ouvertes et liées, je vous invite à lire les sections Données ouvertes et Données liées dans le document de présentation de Josée.

 

Question de vocabulaire

Quelles données structurées dois-je fournir aux moteurs de recherche afin de favoriser la découvrabilité des œuvres en danse? Quelles sont les données structurées qui vont permettre de bien décrire une œuvre, de bien référencer un.e artiste et de laisser des traces visibles dans le Web permettant à l’artiste d’être découvert.e et de faire partie de l’histoire?

Comme l’écrit Josée dans son blogue du 5 novembre 2018 : « Apprendre à indexer une offre (la représenter à l’aide de métadonnées) permet à chacun de développer sa littératie numérique ainsi qu’une culture de la donnée. Une bonne initiative viserait à former et à équiper les acteurs culturels afin qu’ils définissent eux-mêmes les données qui les concernent et qu’ils intègrent cette pratique à leurs processus et stratégies. Confier à d’autres le soin de décider de la façon de se représenter n’est ni formateur et ni stratégique. »

C’est dans cette optique que cette question – Quelles données structurées dois-je fournir aux moteurs de recherche – fera l’objet d’un atelier collectif. C’est important d’y répondre ensemble, entre nous, car ce sont les gens du milieu de la danse qui sont les spécialistes, les experts pour décrire la danse, ses œuvres et ses artistes. C’est pourquoi il importe plus que jamais de prendre notre place auprès des développeurs lorsqu’on crée ou met à jour un site web. Ici aussi, nous partagerons avec le milieu la liste de nos propositions.

 

Et pour conclure

Bref, ce que je retiens de cette première rencontre : la nécessité de comprendre le fonctionnement du web. Non qu’il nous faille tous et toutes apprendre à coder – là n’est pas l’enjeu –, mais il importe être présent.e.s quand vient le moment de créer un site, d’y décrire nos activités. La personne qui développe un site n’est pas issue de la danse et l’on ne peut présumer qu’elle est l’experte pour y intégrer les métadonnées qui décriront notre univers. Et, peut-être plus encore, j’ajouterais qu’il nous faut apprendre à travailler ensemble, à collaborer, à s’enrichir les uns les autres, pour accroître les capacités d’innovation de notre milieu.

Pour comprendre toute la pertinence et la richesse de ce projet, je vous invite vivement à parcourir le texte de Josée Plamondon.  Vous y trouverez les grandes lignes de sa présentation ainsi qu’une une foule de liens pour aller plus loin dans votre réflexion et compréhension du web, qu’il s’agisse des métadonnées, de découvrabilité, de données structurées, de contenus balisés, de donnés ouvertes.

Un immense merci à Josée Plamondon pour sa passion et son implication de même qu’aux participant.e.s pour leur présence attentive: Louise Bédard, Martin Boisjoly, Ariane Dessaulles, Anne-Laure Jean, Pauline Muller et Coralie Muroni.

 

-Lise Gagnon, 23 novembre 2018

 

Le projet La danse dans le Web des données bénéficie du soutien financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, dans le cadre du programme Exploration et déploiement numérique.

 

Parmi les sites référencés par Josée Plamondon,  :

Les données, muses et frontières de la création

Spectacle + Numérique : Penser et agir ensemble, Horizons 2025, PRODISS 2015 (France)

Métadonnées et traçabilité : une passerelle essentielle, FMC, 2017

Êtes-vous repérable ? Guide pratique pour documenter vos contenus, Fonds indépendant de production 2017

Google Search

Outil de test des données structurées, Google

Outil d’aide au balisage permettant de faire des essais sur des pages web

L’ABC des données ouvertes – Gouvernement du Canada

Portail européen des données – Auto-apprentissage – Données ouvertes (16 cours et test)

Les données ouvertes au musée, Société des musées du Québec, 2016

Le web des données ouvertes et liées. Qu’est-ce que c’est? Européana (2012), vidéo de 3min 34 sec.

La culture des données, levier de la transformation numérique des organisations, Hubert Guillaud (Fing) 2017

Test d’évaluation de la culture des données

 

Exemples de plateformes de données ouvertes et liées dans le domaine culturel :

Europeana

Musical Instrument Museums Online (MIMO)

Projet

La danse dans le Web des données

Production

Le projet Au cœur de la danse du Québec : le Web des données favorise la découvrabilité des œuvres et des artistes de la danse par la production de métadonnées tout en développant la littératie et les compétences numériques du milieu de la danse. Sous…

Évènements

Lancement La danse dans le Web des données

Le lancement au Laboratoire du Département de danse de l’UQAM le 14 novembre 2019 du guide numérique « Bien documenter pour favoriser la découverte en ligne » réalisé par la consultante en exploitation de contenu numérique Josée Plamondon conclut notre grand projet La danse dans…

À découvrir aussi

Site web

Sismographie Inscrire les blessures, les deuils et les périls de la danse

Sismographie est une plateforme collaborative qui accueille des récits de danseuses et danseurs. Elle constitue une archive sensible des tremblements discrets ou des secousses profondes qui jalonnent leur pratique et qui restent souvent tabous : les blessures physiques ou psychiques, les maladies, les conditions ou les handicaps qui...
Article

La voix du corps dansé

Débuter la danse par les mots n’est pas une démarche ordinaire en classe de danse. Prolonger le mouvement corporel par la gestuelle de tracer ou l’acte (physique) d’écrire ne l’est pas davantage. Pour la petite histoire : après des années à écrire et des années à...
Article

Carnet d’une chorégraphe

Se mouvoir dans l’archive / Moving through the archive La FJPP est très heureuse de participer au projet Se mouvoir dans l’archive, une production de la Galerie UQO réalisée en collaboration avec la chorégraphe, dramaturge et danseuse Hanna Sybille Müller. À l’automne 2019, la directrice/commissaire...
Entrevue vidéo

Projet Pédagogique avec Angélique Willkie : En quête d’information

Produit et réalisé par N. Zoey Gauld et Emmanuelle Bourassa Beaudoin Réalisateur vidéo : Jonathan Inksetter Musique : Thom Gossage Caméras : Jonathan Inksetter et Frédérique Rivest