Évolution de l’entrainement au fil des ans et Crossfit
Sébastien danse professionnellement depuis sa sortie de l’École de Danse de Québec en 2011. Son entrainement a évolué tout au long de sa carrière, le conduisant aujourd’hui à faire du Crossfit.
J’ai eu plusieurs phases, en lien avec mes emplois. Dans la 1re phase je travaillais avec Cas Public, une compagnie néoclassique, exigeante physiquement. Dans ma 1re année j’ai pris beaucoup de classe de ballet pour rattraper les lacunes de la formation que j’avais reçue en contemporain, avec une base en classique mais sans plus. J’ai fait un an à l’école Supérieure [de Ballet du Québec], en entraînement libre, et la compagnie donnait avant chaque répétition des classes de ballet. J’avais donc au moins une classe de ballet par jour. Ensuite j’ai commencé à m’entraîner au gym. Il y avait beaucoup de portés dans le travail alors je suis allé chercher une force musculaire que je n’avais pas développée à l’école. Par la suite, j’ai commencé à faire beaucoup de Pilates, pour l’alignement et pour comprendre mon corps dans son anatomie.
Après ça, quand je suis arrivé chez Marie Chouinard, on n’avait pas de classes offertes par la compagnie mais on avait un budget alors j’ai commencé à me faire mon propre entraînement. J’ai continué à faire du Pilates. Le classique a rapidement « pris le bord » parce que le travail de Marie est tellement un travail d’intériorité que ça ne faisait plus de sens de faire du ballet, de travailler dans cette esthétique.
J’ai commencé à faire du yoga pour retrouver un lien au souffle que je n’avais encore pas développé. La compagnie offrait quelques fois des classes de Continuum et de Feldenkrais. J’ai aussi commencé à entraîner ma psyché, mon cerveau, et j’ai commencé à prendre n’importe quelle classe qui se donnait dans le pays où je me trouvais lorsque la compagnie était en tournée. À travers la compagnie j’ai également découvert la technique Alexander et la CounterTechnique qui ont été mon entraînement de ma dernière année chez Marie.
En situation de compagnie mes matins étaient libres pour m’entraîner, avec les après-midis pour les répétitions. Maintenant, en tant que pigiste, j’ai des répétitions le matin, le midi, le soir, à des heures différentes et instables. Quel entraînement constant avoir malgré mes fluctuations d’horaire? Le CrossFit a été ma réponse. C’est un mélange de musculation, de travail cardiovasculaire (abdominaux, corde à danser, rameur, vélo), de gymnastique (travail avec des barres et des anneaux) et d’haltérophilie. Le CrossFit me permet de m’entraîner à 7h du matin, comme ça je me sens déjà échauffé pour une répétition à 9h du matin et pour ma journée devant moi. Il n’y a pas de classes de danse à 7h le matin malheureusement. En ce moment, j’ai des journées pleines et pour avoir mon moment avec moi, dans mon corps, au lieu du yoga, c’est le CrossFit. Ça répond au besoin que j’ai en ce moment de mobilité, de force et d’endurance et pour travailler mon discours mental dans l’effort.
Le CrossFit est une activité que l’on fait en groupe. C’est une activité collective. Il y a quelque chose de très festif, communautaire. On traverse tous ensemble la difficulté. Je trouve ça très motivant. Le défi est là à chaque cours. J’adore cette communauté de mouvement. Dans une classe technique de danse, je fais la classe pour moi, je fais ma recherche d’improvisation pour moi. Je recherchais davantage l’effet de communauté dans l’exercice physique. J’avais aussi besoin de sortir de l’idée de « performer ». On dirait que dans la classe technique, il y avait un peu l’idée de devoir « performer » devant mes comparses. Et dans un cours de Crossfit, je n’ai absolument pas cela. En ce moment, c’est agréable. Je fais mes trucs à 7h le matin et je suis bien à l’aise. Il n’y a pas d’autres danseurs.
Mon dada dans le Crossfit, ce pourquoi j’aime faire ça, c’est le Mindset. Si le Crossfit est intéressant pour le dépassement, pour l’entrainement et pour la force, ce qui m’intéresse le plus, c’est d’ajouter la conscience d’esprit, la conscience corporelle, la conscience des os, etc. Même si je suis rendu à ma 100ème répétition, que je suis complètement au bout de mes ressources, est-ce que je suis encore capable d’avoir un cerveau qui reste concentré sur l’ergonomie de mon corps, du mouvement? C’est un entrainement de ne pas lâcher la présence même dans une situation de dépassement physique. Dans un tel moment, on est souvent moins conscient et l’aspect émotif embarque : « Je ne suis plus capable, comment je vais faire pour passer à travers! ». Comment, à la place, je peux rester dans un discours présent, conscient, disponible et vivant? C’est ça que j’aime dans le Crossfit. Je n’avais pas beaucoup ce défi dans les cours de danse parce que c’est rare que je me rende dans un espace où ça me pousse à un point où je ne suis vraiment plus capable de continuer, où je ne sais pas comment je vais passer à travers. Dans le Crossfit, je travaille ma capacité à rester dans le moment présent, à faire l’action en conscience, même dans l’effort physique intense. C’est ça qui me stimule dans le Crossfit. Quel est le chemin que je vais prendre pour passer à travers un effort extrême? Et c’est ça qui est trippant parce que je me dis « ok, là je ne suis plus capable, alors je vais penser à mes pieds » ou « ok, là je suis juste tanné, alors je vais penser à ce que je vois en ce moment » ou « là, ok, je ne suis plus capable, alors je vais penser à l’espace entre mes omoplates. Faire des choix à chaque fois, c’est une capacité que j’amène dans mon travail d’interprète sur scène. Je fais des choix beaucoup plus assumés en répétition et en spectacle – même lorsque le show dure une heure et que je suis parfois à bout.