Le corps articulé

Katya Montaignac

Lokéto

Pour Zab Maboungou, la danse « est fondamentalement intelligente. […] elle est si riche, si sophistiquée en termes d’éducation psychosomatique – le corps, l’esprit, la façon de se placer – […] il s’agit de la manière de se présenter au monde 1Ibid. ». Cette conception fait écho, entre autres, à l’enseignement de Lucky Zébila, qui a développé une méthode de danse africaine basée sur la redécouverte du contact avec le sol, la spontanéité du corps, son dialogue avec le tambour et l’expression musicale de l’onomatopée comme premier langage de l’homme. Il ne s’agit pas, dit-il, de « découvrir quelque chose de nouveau, mais plutôt de retrouver ce que la civilisation moderne nous a fait oublier mais qui sommeille encore dans le corps ». Replacées dans le contexte de la vie traditionnelle au village africain, la musique et la danse dépassent largement la dimension d’une technique pour devenir un état d’esprit et une philosophie de vie. Zébila développe et favorise la spontanéité du mouvement à travers « l’intelligence du corps », qu’il définit comme « l’aptitude à faire face à la diversité des rythmes, à établir la communication quel que soit l’endroit où l’on se trouve. On peut alors parler de langage du corps. »2Lucky Zébila, La Danse africaine ou l’intelligence du corps, Paris, L’Harmattan, 1982, p. 15.

Dans la même lignée, la démarche chorégraphique de Zab Maboungou consiste à « articuler le corps ». Avec le lokéto, la chorégraphe a développé un vocabulaire gestuel qu’elle transmet aux artistes avec lesquel·les elle travaille et crée ses oeuvres. Dans son cours d’introduction au RYPADA, elle précise que « le lokéto [qui signifie “le bassin” en lingala] existe depuis des millénaires dans la culture des polyrythmies du Congo. Je n’ai rien créé, j’ai simplement formulé ce que j’identifie comme fondamental dans la rythmique ».

Cette séquence onomatopéique traduit à la fois trois parties du corps, trois mouvements et trois temps, qui instaurent différents rapports au sol à partir desquels s’articulent les principes posturaux et les ressorts rythmiques du lokéto :

– Lo, situé dans les pieds, désigne l’appui et l’impulsion qui correspond au temps du départ (dépôt initial du poids)

– Ké, situé dans les genoux, implique la mobilité et la propulsion correspondant à un temps de transition (le déplacement qui se produit à la suite de – ou plutôt en réponse à – l’impulsion initiale)

– To, situé au niveau des hanches, concerne la flexibilité et la réceptivité relatives au temps du retour (résultant du déplacement préalable)

Élaboré à partir de la marche humaine, le lokéto se décline en dix mouvements, depuis le plié sur place (lokéto 1) au buste incliné en avant (lokéto 9 en position de « table »), en passant par le déplacement (lokéto 2 et 3), l’équilibre (lokéto 4), le saut (lokéto 5 et 6) ou encore le redressement (lokéto 7).

 

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Notes

  • 1
    Ibid.
  • 2
    Lucky Zébila, La Danse africaine ou l’intelligence du corps, Paris, L’Harmattan, 1982, p. 15.

 

Boîte chorégraphique Mozongi

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