S’ancrer (troisième tableau)

Katya Montaignac

Donna Ramsay, Nancy Jean-Marie, Alexandra Charette, Reena Almoneda Chang.
Photo : Xavier Lluis, 1997

Poings et jambes (quarts de cercle)

En silence, les interprètes se redressent dans une posture assise, les genoux repliés vers le haut, en frappant d’un pied le sol et en lançant leurs poings en avant l’un après l’autre, tandis que leurs jambes s’allongent tour à tour parallèlement aux bras qui se détendent. En 2001, les poings s’ouvraient également sur les côtés, en même temps que les jambes s’écartaient en ouverture. Cette séquence de mouvements est guidée par le chant onomatopéique « Ntika » :

N’tinki N’taka N’tinka ! Ta !
Ntika Ntika Ntika Ntika ta !
N’TINKI TAKA N’TINKA TAKA TA !

Ce chant accompagne le mouvement, c’est le rythme commun. Quelqu’un chante et guide le groupe. Le N’ se rapporte à l’élément sacré intégré phonétiquement dans les langues bantoues, c’est le ramassage du souffle ! Ces sons et ces tons semblent curieusement avoir été oubliés dans de nombreuses langues latines modernes, comme si l’Occident avait supprimé ce qui en constitue la force ! N’tinki N’taka N’tika ! Chacun des sons que vous faites appelle [le mouvement]. D’ailleurs, tout comme le bras, le chant aussi envoie un coup de poing : Nti !

 

Salomao Almirante, Karla Étienne, Mithra Rabel. Photo : Foteini Christofilopoulou, 2019

En appui sur les fesses, les interprètes tournent sur leur axe, avec un mouvement de rotation des poings, avec les bras pliés [comme des ailes de canard], qui ramassent l’air depuis le poing fermé jusqu’aux épaules, et les pieds qui aident à se déplacer, comme une marche en posture assise sur les fesses :

Le chant est très important pour ancrer et asseoir le corps. L’ancrage est une assise. Je dis toujours que le signe de la civilisation chez les humains, c’est de savoir s’asseoir. La posture assise vous permet d’asseoir le mouvement et l’énergie. L’élan ne vous vient pas d’en haut, mais d’en bas. Il est nécessaire de relâcher les orteils pour laisser les pieds marcher. Être bien au sol, c’est comme s’envoler ! La vitesse, l’appui et le lancement doivent être parfaits, comme pour le départ d’une fusée. C’est l’attaque qu’il faut travailler, car elle doit constituer un moment distinct.

Dans cette séquence, les chevilles et les poignets jouent pour Zab Maboungou un rôle similaire, au sens où ils sont polyrythmiques et asymétriques. Lors de cet enchaînement, il est nécessaire de dissocier le mouvement des poignets ; l’un part avant l’autre :

Apprenez à vous référer à votre propre corps. Donnez à vos mains la capacité d’articuler votre corps. Pour ce mouvement, il faut distinguer les bras, car tout est toujours en décalage. Il ne faut pas utiliser la danse juste pour faire beau mais pour mieux vivre.

Jeté au sol (pivot sur le genou)

Le tableau de ce premier « redressement assis » se termine avec un mouvement qu’on appelle « le tour d’Elli ». Fils de Zab Maboungou et de Paul Miller, Elli a grandi avec Mozongi. Il demeure à ce titre un témoin privilégié de l’oeuvre et y participe désormais en tant que tambourinaire. Lors de la création de Mozongi, il avait sept ans. Présent dans le studio, il observait la pratique tout en vaquant à ses occupations d’enfant. À un certain moment, il a traversé le studio en courant et il a tourné au sol sur un genou. Zab s’est alors écriée : « C’est parfait ! On va intégrer ce mouvement à la chorégraphie ! »

Pendant qu’iels tournent sur le sol en pivot sur un genou, Zab rappelle encore aujourd’hui aux interprètes : « Si tu montes, descends ! On s’étale au sol, mais on monte en même temps. On ne tire pas les bras, mais les bras suivent le mouvement. » Après avoir tourné en pivot sur un genou, les danseur·euses s’allongent au sol sur le dos : c’est ce qu’on appelle « le souffle de l’étalement ». Iels reprennent ce mouvement une seconde fois et s’allongent cette fois-ci les jambes repliées : « Utilisez votre propre poids. Il faut trouver le bon écart [entre les jambes] et le conserver par la suite. »

Jeanne Maugenest, Marie-Denise Bettez, Aïchatou Erna Labarang, alias Intuïtiv.
Photo : Carson Asmundson, 2024

Appel des pieds (solo)
Les interprètes se redressent assis, les mains sur les genoux. Dans le silence, une soliste frappe le sol avec ses pieds.
Note : dans la pièce, chaque interprète devient soliste et leader à tour de rôle.

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Boîte chorégraphique Mozongi

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