Zab Maboungou
Puissance de l’éphémère et inscription dans le temps
Parler du temps est fort malaisé. Pour ne pas dire tout simplement hasardeux.
Car le temps emporte tout. Voici posées, implicitement, les prémisses de ce qui ne saurait prétendre entamer ne serait-ce qu’une réflexion élémentaire sur le sujet ; tout au plus ne peut-il s’agir ici que de quelques élucubrations potentiellement évocatrices de ce qui nous relie au sentiment de notre durée, attaché à l’expérience vivifiante qui est la nôtre lorsque nous nous mouvons dans l’espace.
Pourtant, je confesse avoir bénéficié d’un avantage au départ. J’ai grandi avec les rythmes. De ce fait, il en est toujours ressorti une certaine assurance. Celle, sans doute, qui fait que notre rapport au temps n’est pas vain et qu’en fin de compte nous lui sommes redevables. J’ai appris à y déceler ce qui, à mon esprit et en mon corps, fait sens.
Rythmes et temps
Les rythmes abordent les temps/mouvement des existences. Les êtres et les choses s’y régénèrent sans cesse, sans s’y complaire, au coeur de cycles impitoyables, sans cesse recommençant et évoluant. Avec les rythmes, nous ne sommes plus tenu·es de nous en remettre aux métaphores sur le temps. Car les rythmes, ceux dont je parle, nous y font entrer.
Ces rythmes sont pratiqués depuis des temps ancestraux : ils appellent, rappellent, énoncent, enchantent, proclament, statuent, dialoguent ; ils situent en les projetant dans le temps et l’espace, les événements du monde et les consciences alertées.
En d’autres termes, les rythmes détiennent les codes du temps. C’est-à-dire qu’ils en retiennent les cycles en constante évolution, recréant à rebours un futur annoncé. Et le tambour est l’un de leurs maîtres. Le temps ainsi s’écoule. Et nous nous écoulons (malgré notre désespoir) avec lui.
C’est ainsi qu’on fait « tourner le soleil ».
La danse n’est que le délai qui marque le rythme pour nous faire rentrer dans le temps de la vie. Elle en constitue un récit toujours inachevé, quelles qu’en soient les formes. C’est ainsi que nous dansons.
Notes
- 1En ewe, langue du Togo et de la région ouest-africaine, « danser » se dit ainsi, nous rappelle Clémentine M. Faïk-Nzuji, dans La Puissance du sacré, Paris, Maisonneuve & Larose, 1993, p. 23.